Les nouveaux super-héros, hommes sombres et ennemis de l'intérieur

Une autre catégorie de super-héros apparaît au lendemain du 11 septembre. Ils ne sont plus de simples blockbusters mais peuvent être aussi très critiques vis à vis de la société américaine comme c'est le cas pour Batman : The Dark Knight, réalisé par Christopher Nolan, interprété par Christian Bale et Heath Ledger, mort peu après le tournage. Le film est un état des lieux : celui, d’abord, par un cinéaste britannique, de l’Amérique contemporaine, de ses dilemmes moraux, l'Amérique doit choisir entre justice et vengeance, face à ses démons, au chaos incarné par le Joker, traité ici comme un terroriste. Et une virée à Hong Kong achève d’ouvrir Gotham City et le film au monde. Tout au long du film, la chauve-souris est obsédée par l'idée de "nettoyer la ville", idée récurrente à tel point qu'elle en devient parfois inquiétante, comme un George W. Bush complètement obsédé dans son désir de supprimer toute forme de terrorisme. On voit à travers ce personnage de Batman, de ce chevalier noir, capable de tout, même de dépasser la loi, uniquement pour faire respecter l'ordre, une autre vision du super-héros, beaucoup plus sombre et beaucoup moins rassurante car métaphore du gouvernement américain. Ici, même les forces du Bien se perdent dans les méthodes du mal, et perdent leurs moyens face au Mal, comme dans la scène de l'interrogatoire où le Joker met Batman face à ses erreurs et à ses contradictions.

http://youtu.be/rIj2uL2f1rE (la scène en version anglaise)



Spider-man est lui aussi mis face à ses contradictions, dans le troisème opus de la trilogie. Peter Parker est mis face à l'assassin de son oncle et il doit finalement faire un choix entre sa revanche et Mary-Jane sa future femme, choix qu'il n'arrive pas à faire, et il finira pas littéralement se faire ronger par son désir de vengeance, au point que son costume devienne noir, qu'il se laisse consumer par sa haine et en finissant par oublier ses proches comme sa tante, sa future femme et son meilleur ami. Son désir de vengeance finira par mener Peter Parker à sa perte et à la solitude. Encore une fois, on peut voir ici un parallèle avec le désir de vengeance des Etats-Unis face aux pays de "L'Axe du Mal" avec une volonté de faire la guerre, d'assassiner les responsables, entre autre Ben Laden ou Saddam Hussein, comme Spider-man tient absolument à tuer le meurtrier de son oncle.



Watchmen aussi, est une vision complètement désillusionnée des super-héros : on se retrouve ici en 1985 aux Etats-Unis, avec une guerre du Vietnam remportée par l'Oncle Sam, un Richard Nixon qui a amendé la Constitution pour célébrer son cinquième mandat de président, et une conflagration nucléaire avec l'URSS qui est programmée pour dans cinq minutes sur l'horloge de l'apocalypse. Au moment où le film commence, un des Gardiens, surnommé le Comédien, bouffon cynique et violeur, vient de se faire assassiner. Décelant un complot qui vise à les éliminer, ses compagnons sortent de leur retraite forcée et mènent l'enquête en même temps qu'ils s'emploient à éviter le spectre de la guerre nucléaire. On fait donc connaissance avec Rorschach, paranoïaque psychorigide au masque mouvant et aux méthodes expéditives. Avec le Hibou, avec Ozymandias, mégalomane qui se veut l'héritier d'Alexandre le Grand. Avec le Spectre soyeux, bombe sexuelle en proie à des dilemmes intérieurs complexes. Avec Dr Manhattan, enfin, un ex-physicien victime d'un accident nucléaire qui l'a rendu indestructible, le transformant en géant bleu qui se révèle de plus en plus indifférent à la cause humaine. Ces "Watchmen", ces gardiens qui sont censés veiller sur l'humanité ne veillent donc plus sur rien. Les Gardiens apparaissent comme des superhéros sans réels pouvoirs, des êtres torturés, abîmés, désillusionnés, parfois cyniques et haïssables. Des héros qui assument leur rôle davantage par égoïsme ou stoïcisme que par idéal, dans un monde fondamentalement dominé par le mal. Ces héros, censés veiller sur le monde, sont cependant des êtres parfois mauvais laissés sans contrôle et qui grâce à leurs immenses pouvoirs peuvent décider de se retourner contre ceux qu'ils protégeaient avant.



Jason Bourne lui n'est pas un super héros, mais il est le visage de cette Amérique perdue dans ses conflits intérieur entre quête d'identité et désirs de vengeance. Jason Bourne n'est pas issu d'une élite comme l'était l'agent secret James Bond, il est juste un homme ordinaire propulsé dans un monde inconnu où ses "créateurs" font de lui une machine à tuer. Cet homme qui n'a rien d'un héros, cherche à recomposer son passé détruit d'agent au service de la CIA. Bourne, en plus de ça, présente des sentiments. Lorsque dans le 2e épisode de la saga (La Mort dans la peau) il apprend qu'une de ses ennemies est en réalité l'amour de sa vie (il est amnésique), cet homme froid et insensible, créé pour tuer, programmé pour être un meurtrier se met à pleurer. De plus on ressent à travers le personnage de la compassion pour les différentes morts qu'il connaît autour de lui. On voit aussi dans les différents épisodes de la saga comment Bourne va s'engager comme agent dans les services secrets. On peut alors observer des scènes de torture que le héros doit subir afin d'oublier sa véritable identité. Toujours dans cette trilogie on retrouve l'idée de vengeance, l'Amérique, réprésentée par la CIA donc, s'est créé son propre ennemi qui demande des comptes, qui cherche son identité et des responsables pour ce qui lui arrive.



Et enfin dans X-Men : Le Commencement, les super-héros qui travaillent main dans la main avec les services secrets américains pendant tout le film, se voient devenir la cible des missiles lors de la crise de Cuba en 1962 alors qu'ils viennent d'empêcher la guerre nucléaire



Le héros n’est plus super. Il y a une extrême méfiance à son égard. Si durant la décennie précédente, l’ennemi vient de l’extérieur, il y a un basculement vers l’intérieur durant les années 2000. Cette scène représente la paranoïa américaine, capable d'envoyer des missiles sur ses propres alliés par crainte de leur pouvoir.

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