Des êtres humains avant tout.

Les hommes ordinaires sont des hommes fragiles, aptes à ressentir des émotions et surtout à les exprimer (contrairement à la plupart des super-héros).Les héros du 11 septembre n’ont pas cherché à cacher leurs pleurs. L’idéal du héros fort cachant ses émotions s’évapore peu à peu, au profit d’une réhabilitation de la vie émotionnelle.Le maire de New York Rudolf Giuliani a reconnu lors d’une déclaration publique qu’il avait eu peur ce sombre jour du 11 septembre 2001, ce qui a encore renforcé sa stature de héros (celui-ci étant dans les rues de Manhattan lors des attentats, allant à la rencontre de ses concitoyens). Lors de cette déclaration, le 31 décembre 2001, le maire tenait ces propos : « Le courage, c’est avoir peur mais ensuite faire ce que l’on a à faire malgré tout. »

C'est le parti que prit Paul Greengrass avec son interpretation du détournement de l'avion 93 qui avait pour objectif de s'écraser sur la Maison Blanche le 11 septembre 2001. Les passagers de cet avion ne sont pas représentés comme la propagande du gouvernement Bush a voulu le faire, mais comme des êtres humains, paniqués à l'idée de mourir, avec leurs lâchetés et leurs faiblesses. Mais qui malgré tout, vont réussir à détourner l'avion et à sauver un de leur symbole national et des centaines de vie. Mais pas de façon héroïque et tonitruante.



: « Je ne connais plus cette Amérique-là. Je ne la reconnais pas, dit-il. Il y a un espace vide à l’endroit où était l’Amérique » est-il écrit page 234 de L'Homme qui tombe de Don de Lillo. Le roman s’ouvre sur une scène d’Apocalypse : la première tour du World Trade Center s’est effondrée et les rues sont emplies de poussière, de cendres, de fumée, de silhouettes fuyantes, égarées, hurlantes. Un homme se fraie un chemin dans ce qui ressemble à un paysage proprement infernal, une mallette à la main. C’est Keith, qui a échappé à la mort et se rend, tel un revenant, chez son ex-femme, Lianne, et leur fils de sept ans, Justin. Le récit se concentre sur cette famille étrangement recomposée après les attentats du 11 septembre, suivant tantôt l’homme, tantôt la femme, tantôt l’enfant dans leurs faits, gestes et pensées quotidiens, sur une durée de trois ans, avec toutefois de nombreuses ellipses. Dans les mois ralentis qui suivent l’attentat, Keith noue une brève liaison avec une autre rescapée des tours, Florence, abandonne son travail et devient joueur de poker professionnel. Lianne, de son côté, s’investit de plus en plus dans l’atelier d’écriture pour malades d’Alzheimer dont elle a la charge et s’enfonce dans l’inquiétude que lui causent les événements politiques, la santé fragile de sa mère et l’attitude étrangement hostile de son fils.
Keith ne parviendra jamais vraiment à retrouver un équilibre, se perdant dans sa culpabilité et entre la vraie vie et son expérience traumatique. Le roman est ponctué des apparitions de L’Homme qui tombe, un artiste qui reproduit, dans les lieux les plus incongrus, la chute des employés qui sautaient du haut des Tours Jumelles pour échapper à l'incendie. Et ce sont comme des rappels morbides, à chaque moment, que le 11 septembre est toujours là et qu'il ne s'en ira jamais.

Dans Les Enfants de l'Empereur de Claire Messud, le 11 septembre n'apparaît pas comme la toile de fond majeure du roman, mais comme un élément détonateur pour Marina, apprentie journaliste, Danielle, en quête de l'âme soeur et d'un travail, et Julius, un pigiste homosexuel incapable d'accepter l'arrêt de son travail. Mais les deux romans mettent en scène des personnages évoluant dans le milieu bobo new-yorkais, où journalistes, éditeurs et écrivains sont issus des plus grandes universités, et devraient être aptes à saisir la complexité des événements. Cependant, trop occupés par eux-mêmes, ils n’en ont pas vraiment la force.

Dans « Extrêmement fort et incroyablement prêt » de Jonahtan Sofran Foer, on suit Oskar, onze ans, sillonnant New-York à la recherche de ce qu’il croit être le dernier legs de son père. Un père que ce petit garçon un peu étrange, un peu autiste, à la fois très craintif et extrêmement intelligent et volontaire, adorait. Et dont il ne peut se résoudre à accepter l’absence. D’autant qu’à son enterrement le cercueil était vide. Et que sa mère, écrasée de chagrin, semble définitivement ailleurs. Oskar communique davantage avec sa grand-mère, venue de l’Est et qui héberge un mystérieux « locataire », muet depuis de douloureux évènements vécus il y a très longtemps en Europe de l’avant-guerre. C’est lui qui, communiquant par signes, accompagnera Oskar, en quête de la serrure correspondant à une clé retrouvée dans la chambre de son père, à l’intérieur d’un vase bleu. Une quête en forme d’épopée initiatique et libératrice, entrecoupée de flash-backs sur l’époque du bonheur, ou sur l’attentat, avec des images des corps se jetant dans le vide, et du répondeur téléphonique diffusant les derniers et tragiques messages de l’homme qui allait mourir. Ici, l'attentat est partout, que ce soit chez les gens qu'il rencontre tout au long de son périple que dans les flashbacks. Ce roman donne finalement un visage humain à ces évènements dont on a tendance à s'éloigner tant ils furent monstrueux.

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